Voyage d'études aux Pays-Bas
Étude de cas sur la gouvernance des transports publics et la billettique
La DGITM accompagnée de ses partenaires a réalisé un voyage d'études aux Pays-Bas le 25 mars 2024.
Participants :
- DGITM / Sous-direction multimodalité, innovation, numérique et territoires
- AMO SD-MINT : Nextendis et Talan
Programme :
- Dova (association des AOM) |
- Ministère chargé des transports |
- Rover (association d'usagers) |
- Translink |
En synthèse :
Les transports publics aux Pays-Bas sont le résultat d'une organisation institutionnelle solide et d'une coopération étroite entre différents acteurs majeurs de la mobilité.
1. Une organisation institutionnelle des transports publics bien définie :
Aux Pays-Bas les transports publics s’articulent entre :
- Le ministère des infrastructures et gestion de l'eau, en charge des transports : Il est responsable du cadre législatif, du pilotage de la concession ferroviaire nationale et de la coordination des projets transfrontaliers, notamment avec l'Allemagne et la Belgique. Le ministère joue également un rôle crucial dans le développement des services MaaS (Mobility as a Service) sur le territoire ;
- Les AOM : au nombre de 16 (dont le ministère des transports). elles sont coordonnées par DOVA, un partenariat regroupant les 12 provinces, la région d’Amsterdam, la région métropolitaine de Rotterdam-La Haye et l’OV Bureau Groningen Drenthe. DOVA assure la cohérence des politiques de transport à l'échelle nationale, partage les connaissances et analyse les données consolidées via la Plateforme BISON ;
- Les concessions (41), dont le ministère ayant une concession avec l’opérateur ferroviaire historique NS. Elles sont attribuées à 10 opérateurs de transports (dont NS, opérateur historique) ;
- Translink : Cette société privée, dont tous les opérateurs de transport sont membres, est en charge de l'interopérabilité billettique à l'échelle nationale. Translink, créée en 2016, opère en dehors des règles des marchés publics mais les applique volontairement. Elle assure également la gestion des transactions billettiques via ses différentes branches, allant du traitement des transactions à la distribution des cartes OV-Chipkaart. Translink n’a qu’un seul actionnaire : Cooperatie Openbaar Vervoerbedrijven (la Coopérative des entreprises de transport public). Toutes les entreprises de transport public sont membres de la Coopérative. Cela a permis de créer des conditions de concurrence équitables en ce qui concerne Translink pour tous les concessionnaires de transports publics aux Pays-Bas. Les charges sont calculés en fonction du montant des recettes dégagées.
Quelques chiffres sur l’entreprises :
- 129 personnes (dont 1 personne pour monitorer les fraudes)
- 2,28 Milliards de transactions en 2023
- 14,6 millions de cartes en circulation (dont 20% avec chargement automatique – auto-top-up, 36% de cartes nominative mais sans chargement automatique et 44% de cartes anonymes)
- 3,54 Millions de cartes émises en 2022
Le NOVB, un rassembleur :
Les néerlandais appliquent le modèle de Polder dans la mise en œuvre de leur politique de transport. Il s’agit d’un une méthode de prise de décision par consensus, basée sur la version néerlandaise de l’élaboration de politiques économiques et sociales par consensus dans les années 1980 et 1990. Pour ce faire a été créé en 2013 le NOVB « Nationaal OV beraad » en français « Conseil National des Transports Publics », d’abord piloté par des organismes indépendants, il est aujourd'hui porté par le ministère des transports depuis 2019 et regroupe les principaux acteurs des transports publics (ministère des transports, DOVA, AOM, Rover et autres associations d’usagers, Translink, concessionnaires). Le board de NOVB se réunit 3 à 4 fois par an. Il y a des rencontres mensuelles avec les parties prenantes.
2. Une billettique unique et historique, inscrite dans la loi
Les Pays-Bas ont un "titre unique" depuis 40 ans. Ce dernier a suivi les évolutions technologiques selon 3 grandes temporalités : Dès 1980, une carte nationale « format papier » a été mise en place basée sur des zones. Cette solution s’est arrêtée en 2011 ; en 2009 – Le gouvernement et les provinces ont lancé un projet de billettique unique à l’échelle nationale en 2009 : l’OV-Chipkaart. Il est basé sur une carte sans contact. Les premiers pilotes ont démarré en 2005 et le déploiement s’est terminé en 2012 ;
Le projet pilote et le back-office mis en œuvre par Translink ont été financés par le ministère. Maintenant c’est les AOM qui finance le système billettique de Translink via les concessions et les opérateurs de transport
Plus récemment, les Pays-Bas ont lancé un service d’Open Payment appelé OV-Pay. Les premiers déploiements ont eu lieu en 2014. Le projet est toujours en cours de déploiement mais une couverture nationale est proposée. Les opérateurs qui souhaitent déployer leur billettique, doivent tenir compte des interfaces avec le système de Translink (interfaces ouvertes, inscrit dans la loi). Ainsi les opérateurs sont libres de choisir leur système billettique du moment qu’il est compatible avec OV-Chipkaart et OV-Pay, la concurrence est donc ouverte.
Les AOMs définissent la tarification, et les modalités de distribution (vente à bord, DAT, agence, canaux digitaux…). Ainsi, les opérateurs sont responsables du déploiement de la billettique sur leur réseau et de son maintien en condition opérationnel. Les AOM n’ont pas de visibilité sur le coût de la billettique, il est intégré dans les coûts d’exploitation des opérateurs.
Contrainte identifiée : le manque de données transmises par les opérateurs aux AOM et au Ministère. Les opérateurs prenant les risques financiers, ils restent libres dans leurs choix et les modalités de mise en œuvre de la billettique.
3. La place des usagers dans la réflexion
Les usagers jouent un rôle clé dans l'amélioration des transports publics. L'association ROVER, ainsi que d'autres associations locales, sont régulièrement consultées par le NOVB et DOVA lors de modifications importantes des cadres communs. Ces associations collectent les plaintes (env. 150/jour), réalisent des enquêtes et veillent à ce que les besoins des voyageurs soient pris en compte.
Les leçons tirées du projet OV-Chipkaart vues par les usagers : Les besoins des voyageurs n’ont pas été pris en compte dans la conception du système. Il n’est pas « Customer Centric ». Selon l’association le parcours clients est complexifié car : Il faut valider les abonnements annuels et en correspondance, la carte était payante (le ticket papier était gratuit la carte coûte 7,5€), les portiques sont complexes : Il y en a de plusieurs couleurs pour débiter le bon tarif et reverser au bon opérateur…
Concernant l’OV-Pay, la solution ne propose pas encore les réductions par profil/statut et freine le déploiement et le remplacement de l’OV Chipkaart.
4. Les principes tarifaires sont partagés à l'échelle nationale
Les principes tarifaires sont définis au sein du Cadre Tarifaire National (LTK) qui est coordonné par DOVA. Ce cadre a été mis en place avec l’OV-Chipkaart, soit depuis 2009, et évolue chaque année selon un indice (le LTI). Il s’applique aux AOM qui doivent redescendre ces exigences dans leurs contrats de concessions (au même titre que d’accepter l’OV-Chipkaart et l’OV-Pay).
Les propositions d’adaptation du LTK fait l’objet de concertation au sein du NOVB (dans lequel les OTs sont présents). Cela permet de faire évoluer le LTK pendant les contrats de concession. Ce cadre s’applique aux modes de transports bus, tramway et métro mais n’est pas nécessairement valable pour les services ferroviaires, c’est à la discrétion des AOM après consultation du concessionnaire concerné.
Le principe de tarification standard est composé en 2 parties :
- Une base fixe
- Une partie dépendant de la distance parcourue.
Des réductions en fonction des profils peuvent s’appliquer sur le tarif standard.
Des abonnements et des tarifications plates sont aussi proposés.
5. Des projets MaaS en cours
En 2023, des projets MaaS transfrontaliers ont été lancés pour assurer l'interopérabilité entre les systèmes de billettique néerlandais et allemand. Des applications comme Glimble (Pays-Bas) et Naveo (Allemagne) permettent déjà des paiements prépayés et des fonctionnalités d'auto-validation basées sur la localisation GPS pour certains trajets transfrontaliers. Le ministère des Infrastructures vise à étendre ces services à la Belgique d'ici 2024 et à promouvoir l'usage des solutions MaaS grâce à des incitations tarifaires et une coopération public-privé renforcée.
La solution est plutôt adaptée aux occasionnels qu’aux abonnés.
Les systèmes billettique allemands et néerlandais sont connectés via des « routeurs interopérables ». Les déplacements transfrontaliers vont être ouverts en mai 2024 entre l’Allemagne et les Pays-Bas sur une nouvelle ligne. A terme, il est souhaité permettre les déplacements entre les 3 pays (Belgique, Pays-Bas et Allemagne).
En conclusion pour adaptation à l’échelle française :
- L’ensemble des niveaux ont développé une gouvernance très claire avec une comitologie où chacun a sa place ;
- Une place importante pour les opérateurs, étant plus à même de gérer les recettes et se partager le marché ;
- Le choix de ne pas avoir de front national pour l'information voyageurs mais simplement une application simplifiée pour être informé de sa consommation en direct ;
- Le lien avec Translink basé sur un cadre législatif ;
- Le choix de l'open payment déployé à l'échelle nationale, pour les occasionnels et les abonnés (possibilité de recevoir une carte pour les personnes débancarisées.
Un grand merci à toutes les organisations des Pays-Bas nous ayant reçu et à l'Ambassade de France ayant organisé ce séjour.