Permettre à tous l’accès à la mobilité

Retours d’expériences – Forum des solutions sur les mobilités rurales (2 juin 2025)

Le 2 juin 2025, à Dijon, le Forum des solutions sur les mobilités rurales a donné la parole à la Communauté de communes Côte Ouest Centre Manche, ainsi qu’aux associations La Routourne et Re Bon pour partager leurs retours d'expériences sur leurs projets locaux de mobilité solidaire.

 

Mobilité solidaire, de quoi parle-t-on ?

Réaffirmé par la loi d’orientation des mobilités (LOM), le droit à la mobilité consiste à garantir une mobilité partout et pour tous. La mobilité solidaire vise à rendre ce droit effectif en répondant aux enjeux de mobilité des publics en situation de vulnérabilité, notamment économique ou sociale, et des personnes en situation de handicap ou dont la mobilité est réduite [1]. En 2025, 15 millions de personnes sont considérées en précarité de mobilité [2], les jeunes et les seniors étant les premiers publics touchés. En zones rurales, la précarité mobilité est d’autant plus prégnante que le recours à la voiture est souvent indispensable, du fait de la diminution des services dans les campagnes qui implique de se déplacer fréquemment dans les centralités voisines. 

 

L’importance du tissu associatif local dans le déploiement de la mobilité solidaire

Les projets de mobilité solidaire naissent et perdurent grâce à l’engagement du tissu associatif local. Les retours d’expérience des associations Re Bon et La Routourne démontrent ainsi cet engagement aux côtés des collectivités.

A Vouziers (Ardennes), l’association La Routourne, lauréate de l’appel à projets Tenmod en 2019, a progressivement construit une offre diversifiée, alliant un transport à la demande – destiné à l’accès aux soins, aux droits, à la formation, à l’emploi – créé en 2014, à des ateliers vélo, un garage solidaire, de la location solidaire et des initiatives en faveur de la mobilité inversée (démarche consistant à déplacer les services plutôt que les publics) telles qu’un bus et une épicerie itinérants. Elle anime également un chantier d’insertion depuis 2021, devenu autonome en 2024.

L’association Re Bon, dans le Haut-Doubs, est elle aussi à l’origine de solutions de mobilité solidaire variées visant à répondre aux besoins des publics les plus vulnérables. Dans le cadre de sa recyclerie et de son chantier d’insertion, elle a coconstruit le service de transport à la demande « Allo Kangourou », destiné à tous les habitants de la Communauté de communes du Pays de Maîche. Un dispositif de transport d’utilité sociale (service de mobilité, organisé par une association et s'appuyant sur des conducteurs bénévoles, au bénéfice des personnes dont l’accès aux transports publics collectifs ou particuliers est limité du fait de leurs revenus ou de leur localisation géographique [3]) a également été mis en place en 2023, puis étendu en 2024 à des locations solidaires et une plateforme de mobilité. Depuis 2025, l’association participe à la promotion du covoiturage et des mobilités douces. 

Ce même modèle est valorisé par la Communauté de communes Côte Ouest Centre Manche (CCOCM), qui a choisi de s’appuyer sur les initiatives existantes portées par les associations Mobylis, Solidarité transport et Fil & Terre, afin de coconstruire une plateforme de conseil en mobilité ouverte à toutes et à tous.

 

S'inspirer des expériences existantes... et s'adapter aux réalités locales

« Toutes les solutions existent déjà, il reste à les coordonner et les développer » a rappelé Francis Demoz, Délégué général du Laboratoire de la Mobilité Inclusive. Si de nombreuses solutions destinées à garantir la mobilité pour tous ont déjà fait leurs preuves, la diversité des situations des territoires ruraux ne rend pas souhaitable la stricte duplication de solutions existantes. Comme l’a souligné La Routourne : « Chaque projet n’est pas réplicable tel quel, il doit être construit dans la maille la plus fine du territoire. » Un travail d’étude de la réalité du territoire est donc essentiel pour réussir un projet de mobilité.

Cela suppose une identification fine des besoins locaux, des pratiques de mobilité, mais aussi des freins psychologiques. La CCOCM a ainsi insisté sur le ressenti d’enclavement de certains habitants qui n’envisagent pas de se déplacer au-delà de leur bassin de vie, malgré la relative proximité de pôles urbains. Dans ce cadre, les Plans d'Action en faveur de la Mobilité Solidaire (PAMS) constituent un outil pertinent afin de coordonner les interventions pour la mobilité du quotidien des plus fragiles à l’échelle de chaque bassin de mobilité.

 

Mesurer la valeur créée par la mobilité solidaire

Si les plateformes de mobilité – plus de 230 recensées en France – rencontrent un vrai succès (la plateforme de la CCOCM est plébiscitée par France Travail, les missions locales et les habitants eux-mêmes), leur pérennisation reste fragile. Le financement repose souvent sur des appels à projets ou des subventions ponctuelles, remettant en question la continuité des services.

Il est donc essentiel d’évaluer de manière rigoureuse la valeur créée par les services de mobilité solidaire : insertion sociale et professionnelle, accès aux soins, maintien du lien social, allègement des coûts pour les familles… Ces externalités positives doivent être quantifiées pour justifier un investissement durable des collectivités et partenaires.

A titre d’exemple, les associations La Routourne et Re Bon ont chacune réalisé un travail précis de mesure d’impact à partir d’indicateurs identifiés en amont des projets. Le chantier d’insertion porté par La Routourne atteint un taux de réemploi de 60%, tandis que le service « Allo Kangourou » porté par Re Bon dresse un bilan 2024 de 1400 trajets, 120 usagers et 24.500 kms parcourus. 

Dans un contexte où les subventions publiques se raréfient, explorer de nouveaux modèles économiques apparaît aujourd’hui impératif pour pérenniser les solutions de mobilité solidaire sur le long terme.

 

Merci à Romain DISCRIT, Directeur de l’association La Routourne, Anne HEBERT, Vice-présidente Mobilité de la CC Côte Ouest Centre Manche, Céline RENAUD, Directrice de l’association Re Bon et du projet Allo Kangourou pour leurs retours d’expériences, ainsi qu’à Francis DEMOZ pour son expertise en tant que Délégué général du Laboratoire de la Mobilité Inclusive (LMI).
 


[1] Zoom sur les mobilités solidaires, Ministère chargé des Transports, 2022.

[2] Baromètre des mobilités du quotidien, Wimoow, septembre 2024 (soutenu par le Ministère et l’Ademe, partenaires de France Mobilités).

[3] Boite à outils : Mobilités en territoires peu denses. Fiche n°8, Le transport d'utilité sociale s'appuyant sur les véhicules de bénévoles, Cerema, 2023.